Congés illimités : une bonne idée ?

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Chez SYLA, on aime accompagner les entreprises innovantes et agiles, qui cassent les codes et adoptent de nouvelles façons de travailler. Elles nous poussent à challenger nos habitudes et à être inventifs pour leur permettre de concrétiser leurs idées, tout en respectant les obligations comptables, sociales et juridiques. Ces derniers mois, plusieurs clients nous ont ainsi fait part de leur envie de passer aux congés illimités. Un concept séduisant bien sûr, mais qui suppose toutefois de mettre en place certains garde-fous pour éviter dérives et déceptions.  On partage avec vous les conseils que Maître Mathieu Viot, avocat spécialisé en droit du travail et sécurité sociale, nous a donnés à ce sujet.  

Les congés illimités : pourquoi c’est une bonne idée ? 

Si vous lisez cet article, il y a des chances que vous en soyez déjà convaincu : proposer à ses collaborateurs des congés illimités offrent de nombreux bénéfices. C’est un peu le symbole d’un nouveau monde du travail, dont nous sommes de plus en plus nombreux à rêver. Plus d’autonomie, plus de confiance et de liberté, un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle… : des critères qui deviennent aujourd’hui déterminants au moment de choisir un poste, et sont donc un véritable levier d’attractivité et de fidélisation. 

Un choix stratégique qui présente le double avantage de promettre aux salariés un plus grand épanouissement, et aux employeurs une plus grande productivité. Finie la culture du présentéisme, chacun est responsabilisé sur des objectifs précis et libre d’organiser son temps comme il le souhaite du moment qu’il les atteint. 

Quels sont les risques ? 

A regarder la liste de ces bénéfices, on en vient presque à se demander pourquoi toutes les entreprises n’ont pas encore sauté le pas. Peut-être parce qu’hélas, même si l’idée est très belle sur le papier, il y a aussi une part de risques qu’il ne faut pas sous-estimer. 

On peut craindre par exemple :  

  • la désorganisation des services si tous les collaborateurs décident de prendre des vacances en même temps ;
  • le surmenage de collaborateurs scrupuleux, qui n’oseraient pas s’arrêter avant d’avoir atteint tous les objectifs qui leur ont été confiés ; 
  • les tensions et jalousies entre collaborateurs qui n’auraient pas la même charge de travail, ou en tout cas ne s’autoriseraient pas le même nombre de jours de congés.

Et il y a bien sûr aussi le risque juridique : en France, les 5 semaines de congés payées sont obligatoires et strictement encadrées par le code du travail. En responsabilisant ses collaborateurs sur le nombre de jours de congés qu’ils prennent, on peut donc craindre que certains n’en prennent pas assez… et se retournent un jour vers leur employeur ! 

Mais surtout, à défaut d’avoir encadré rigoureusement la pratique des « congés illimités » par une norme juridique valable et sécurisée dans l’entreprise, l’usage instauré de fait en interne pourrait acquérir avec le temps potentiellement force obligatoire au bénéfice des salariés, limitant les possibilités de réversibilité du système pour le chef d’entreprise. 

Une telle situation empêcherait de facto l’employeur de modifier et/ou de supprimer cet avantage unilatéralement, sauf à respecter les conditions cumulatives de dénonciation de l’usage (respect d’un délai de prévenance suffisant, information des représentants du personnel, information individuelle des salariés). A défaut, on pourrait imaginer qu’un salarié puisse exiger le maintien de cet avantage acquis, ainsi que le bénéfice du nombre de jours de congés identique et égalitaire avec celui dont aurait bénéficié un collègue placé dans une situation identique à la sienne.

Forcément, quand on pense aux dérives potentielles des congés illimités, on peut être tenté de renoncer avant même d’avoir essayé. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : on peut aussi mettre en place certains garde-fous pour profiter des bénéfices de cette pratique, sans les inconvénients. 

Nos conseils pour vous lancer 

Après avoir accompagné – en collaboration avec Mathieu Viot, avocat spécialisé en droit du travail– plusieurs entreprises dans la mise en place des congés illimitées, voici les leçons que nous avons retenues : 

  • Encadrer au préalable précisément la pratique interne des congés illimités par le biais, soit d’un accord collectif d’entreprise, soit en rédigeant a minima une charte interne qui pourrait être jointe en annexe du contrat de travail et affichée sur les panneaux réservés à cet effet dans l’entreprise. Les entreprises dotées d’un règlement intérieur pourraient aussi actualiser les dispositions de celui-ci en intégrant les conséquences, notamment en matière disciplinaire mais aussi sur la santé et la sécurité des collaborateurs, de la pratique des congés illimités.
  • Veiller que le minimum de congés légaux et conventionnels soient pris tous les ans : il en va de la responsabilité de l’employeur tenu de préserver et de protéger la santé et la sécurité des salariés.
  • Être clair et précis sur les objectifs de chaque collaborateur (congés illimités ou pas, c’est d’ailleurs de toute façon indispensable, vous le savez !).  On peut ainsi éventuellement conditionner les congés illimités par exemple à des objectifs au cas par cas, avec une possibilité de réversibilité du système en cas de débordement d’un collaborateur ou d’insuffisance du collaborateur dans ses fonctions.
  • Tenir un décompte des congés payés acquis et non pris, et les indiquer clairement sur les bulletins de paie. Pour tous les congés pris au-delà du minimum légal/conventionnel, on peut imaginer une nouvelle colonne intitulée « congés exceptionnels » (non limités), afin de bien les distinguer des congés payés classiques, de les comptabiliser et d’éviter toute confusion entre les différentes sortes de congés.
  • Mettre en place des process et un délai de prévenance, pour s’absenter. Cela permettra tout autant d’éviter que tout le monde se retrouve en congé en même temps et aussi d’en être informé, et de lever toute ambigüité sur une éventuelle absence injustifiée d’un collaborateur (abandon de poste ou arrêt de travail). Rappelons que le collaborateur absent, par principe, doit avertir son employeur et justifier de son absence dans les délais impartis. Il faut donc pouvoir identifier ce qui relève d’une absence légitime autorisée (relevant d’un congé payé, ou d’un congé illimité dit exceptionnel) d’une absence irrégulière et injustifiée pouvant en tant que telle être sanctionnée par l’employeur.
  • Bien prévoir une déconnexion des outils informatiques pendant les congés, idéalement par le biais d’un accord d’entreprise ou a minima d’une charte, dans un souci de préserver la santé et la sécurité des salariés.

Certains pourraient s’inquiéter que ce genre de process aille contre le principe de confiance et d’autonomie pourtant à l’origine de l’idée des congés illimités.  Mais il faut y voir au contraire le gage de la sincérité de votre démarche et votre engagement à ce que cette pratique s’installe durablement, mais pas à n’importe quel prix, en veillant à sécuriser vos pratiques et éviter les zones de risques et de potentiels contentieux.

Et si vous ne savez pas comment faire pour trouver le bon compromis entre liberté et encadrement, n’hésitez pas à nous contacter, on sera ravi d’en discuter avec vous et d’imaginer avec vous une solution adaptée à votre activité et à votre mode de fonctionnement. 

Avocat au Barreau de Lyon, Maître Matthieu VIOT assiste les entreprises de toute taille, les associations, les dirigeants ainsi que les cadres à haut degré de délégations, en leur délivrant un conseil stratégique, tout en assurant avec proximité et réactivité la défense de leurs intérêts. Un seul objectif : sécuriser et optimiser leurs relations de travail. Chez SYLA, on n’hésite pas à faire appel à son expertise dès qu’on rencontre une problématique technique et/ou source de contentieux en matière de droit social et de sécurité sociale. On apprécie particulièrement sa disponibilité, son sens de l’écoute, sa capacité à s’adapter à toutes les situations et à proposer des solutions sur-mesure en fonction de chaque situation complexe rencontrée par nos clients… comme nous !